« Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage. » Lorsqu’il prononçait le 25 août 1958, cette célèbre phrase devant le Président français de l’époque, c’était surtout le courage et les fortes convictions nationalistes d’Ahmed Sékou Touré qui avaient marqué les esprits. Mais cette phrase résonne encore plus de 60 ans sur le continent africain à la fois comme un appel et un cri de désespoir pour ceux qui, naïvement peut-être, avaient cru que le référendum de 1958 allait ouvrir une ère nouvelle et un chemin vers la prospérité pour les anciennes colonies.
La désillusion fut totale. Ni le oui « massif » des colonies ni les indépendantes offertes deux ans plus tard n’ont permis aux nations africaines francophones d’accéder à une souveraineté politique et économique véritable.
La liberté et la richesse ne furent qu’un mirage et les ex-colonies de l’espace AOF végètent encore dans la pauvreté et une mauvaise gouvernance endémique qui plombent tout élan de développement. Les vastes terres arables, les ressources naturelles et minières abondantes et les richesses touristiques et culturelles inépuisables ne profitent que moyennement aux populations.
La France et ses colons sont certes partis mais le mépris et la marginalisation des africains sur leur propre sol se sont perpétués et l’ancien colonisateur a su garder son contrôle sur la plupart des pays grâce à des mécanismes économiques et financiers handicapants comme le francs CFA et une ingérence politique permanente et brutale dans les affaires des pays francophones.
Plus de soixante (60) ans après les indépendances, les pays du Sahel central sont incapables d’assurer leur défense face à quelques centaines de combattants extrémistes à motos.
Ils comptent sur l’armée française tout juste partie après la violence et le pillage de la colonisation, pour revenir leur assurer la sécurité. Ces Etats de l’espace ex-AOF avaient observé passif au démantèlement du régime de Mouammar Kadhafi et au déferlement consécutif d’armes et d’extrémistes en tout genre au Sahel pour déstabiliser le Mali puis progressivement le Burkina Faso et le Niger. Comme avant les indépendances, l’armée française occupe et traverse les territoires sans avoir de compte à rendre et hélas sans garantir la sécurité aux populations.
Les armées nationales qui, au lendemain des indépendances, étaient capables de contrôler leurs frontières et contenir les rebellions armées (quelquefois d’instigation étrangère) ont aujourd’hui de la peine à s’imposer sur leur propre territoire. Les mauvaises promotions, les gros détournements de leurs ressources, la déliquescence de leurs capacités de renseignement et hélas de temps en temps la défiance des communautés locales les ont rendues vulnérables face à un ennemi sans loi qui a le loisir de décider du temps, du lieu et de la méthode de combat.
Plus de soixante ans après les indépendances, la langue française est outrageusement prédominante comme langue officielle, excluant des millions de personnes des communications officielles et imposant un supplice mental et émotionnel permanent aux jeunes enfants pendant leurs premières années à l’école. Les langues nationales n’ont pas eu la promotion nécessaire pour servir de vecteurs authentique et efficaces de transmission des riches traditions culturelles des communautés peuplant ces pays. L’absurde engouement des pays sahéliens dans l’Organisation Internationale de la Francophonie est la plus parfaite illustration de cette aliénation qui menace nos langues nationales. Il faut prendre au sérieux la pensée du Pr Cheick Anta Diop qui nous avertit que « …l’impérialisme […] tue d’abord spirituellement et culturellement l’être, avant de chercher à l’éliminer physiquement. » L’OIF est plus connues des peuples pour des jeux qui ne sont dans aucuns calendriers des fédérations internationales sportives et bien sûr sa propension à observer et valider des élections même les plus contestables.
Les transitions démocratiques lancées dans les années 90 n’ont pas non plus tenu leur promesse de paix, de stabilité et de prospérité pour les peuples. Chaque année électorale est perçue, à raison, comme des moments de péril pour la fragile cohésion nationale. L’actualité de certains de ces pays nous épargne d’étayer cette évidence. Mais le trait caractéristique le plus emblématique de la dérive de certaines démocraties ouest africaines c’est une politisation excessive des administrations largement abandonnées par les valeurs du mérite et hélas une mauvaise gouvernance qui n’épargne aucune sphère du pouvoir et de services publics.