L’Assemblée Nationale Française a adopté le 10 décembre 2020, sans tambour ni trompette, la très controversée réforme du FCFA décidée en fin 2019, à Abidjan, par le Président français Emmanuel Macron. Ce projet qui n’a fait l’objet d’aucun referendum ni d’ailleurs aucune forme de consultation dans les huit (8) Etats membres de l’UEMOA ne rend pas à la zone UEMOA sa souveraineté monétaire et compromet le projet monétaire de la CEDEAO, l’ECO auquel Paris veut substituer sa monnaie coloniale tout en gardant l’essentiel avantages que lui procure le FCFA depuis sa création. Cette réforme n’est donc qu’un cheval de Troie pour saboter le projet ECO de la CEDEAO.
Il faut se féliciter qu’en dehors de la Cote d’Ivoire connue pour son alignement mécanique à l’Elysée, aucun pays membre de l’UEMOA n’a manifesté le moindre soutien à cette réforme imposée par Paris. La méthode est l’ordre dans lequel la réforme est adoptée sont dignes de la duperie et de la condescendance ayant caractérisé le précédent accord également imposé à nos Etats le 4 décembre 1973.
Même si son projet de motion de rejet préalable de la nouvelle réforme n’a pas été retenu, le député communiste français Jean-Paul Lecoq a eu le mérite d’être le porte-voix des citoyens de la zone UEMOA qui n’auront jamais l’opportunité de se prononcer sur la réforme pernicieuse destinée à calmer les protestations en Afrique et dans le monde contre la monnaie coloniale sans fondamentalement changer le mécanisme de servitude monétaire pour emprunter l’expression d’un groupe d’économistes africains détracteurs du FCFA.
Après avoir démontré devant ses collègues, le piège et la nocivité du FCFA, Lecoq s’interroge naturellement sur la démarche du Gouvernement français pour précipiter une reforme dans le secret et sans aucune véritable consultation des premiers concernés. « Pourquoi la France est-elle le premier pays à ratifier cet accord, alors qu’en toute logique elle aurait dû attendre que les pays directement concernés l’aient fait d’abord », lancera-t-il à la tribune.
Cette question fondamentale du député Lecoq ne sera jamais répondue ni en France ni par les Gouvernements africains concernés car le FCFA est une survivance de la colonisation et demeure un instrument de domination économique et de servitude monétaire. Le député Lecoq ne fera pas le combat pour la souveraineté pleine et entière de nos pays à notre place et le circulation exaltée de son intervention sur les réseaux sociaux chez nous ne changera strictement rien à notre problème.
Un autre député Communiste, Paul Cermolance, avait déjà tenu devant l’Assemblée Nationale française le 19 juillet 1961, au sujet des accords de coopération conclus par la France avec la Côte d’Ivoire, le Dahomey, la Haute-Volta et le Niger, un discours dénonçant la duperie dans la relation de ces pays avec la France. Il dira notamment que : « Ces accords, négociés avec de grandes difficultés, constituent un nouveau compromis visant à maintenir, par des moyens détournés, l’essentiel des privilèges colonialistes, tout en s’efforçant de sauver la face aux yeux des peuples en cause. C’est bien là la marque de leur fragilité. Ce pseudo-libéralisme, dont on tente de parer la politique gaulliste, ne résiste pas aux faits. Il est en contradiction flagrante avec les prises de position du Gouvernement français sur les problèmes coloniaux, qu’il s’agisse des débats à l’Organisation des Nations unies, ou bien encore des questions algériennes. Les peuples d’Afrique, croyez-nous, ne sont pas dupes ; ils ne sont pas non plus crédules à l’égard de certains dirigeants africains qui se font les auxiliaires du colonialisme nouvelle forme ; ils aspirent à une véritable indépendance sans restriction ni arrière-pensée ».
Gageons qu’au regard de prise de conscience affirmée et assumée des peuples et leur mobilisation grandissante pour s’émanciper de toute forme d’exploitation, cette nouvelle réforme sera stoppée et jetée à la poubelle pour faire place au projet ECO de la CEDEAO qui ambitionne de donner à nos pays leur dignité et leur souveraineté économique et monétaire.